Plasticité
Le numérique a-t-il la capacité de modifier notre cerveau ? Oui !
Marc Crommelinck ne laisse pas planer de doute à l’université d’été du Segec. Le neurophysiologiste explique que notre cerveau, biologiquement semblable à celui de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, est câblé pour certaines actions, telles que reconnaître un visage. Le bébé en est capable sans apprentissage, au contraire de la lecture. Il n’est pas précablé pour apprendre des graphènes.
Les apprentissages, les entraînements intensifs modifient notre cerveau. Les aires du cerveau responsables de la motricité des 4 doigts de la main gauche sont doublées chez les violonistes virtuoses. Des moines tibétains ont des capacités d’attention soutenues par un développement et une irrigation du cortex préfrontal. Il est très difficile à des illettrés adultes d’apprendre à lire parce que la porte corticale s’est refermée.
Concentration numérique
Lecture plus superficielle sur écran que dans un livre. Sur un écran, on passe d’un article à l’autre. L’étudiant consacre beaucoup moins longtemps qu’un article imprimé. Un peu comme un chercheur d’or. On voit une mine et se pose immédiatement la question si plus loin, il n’y aurait pas une mine plus intéressante.
Des cassandres nous préviennent de la perte de la lecture linéaire et du temps long de la réflexion. C’est un pessimisme réactionnaire.
Après 50 heures de jeu vidéo sur un mois, on voit des modifications nettes sur le cerveau. Le joueur est capable de s’isoler mentalement, de contrôler sa distraction. Il est capable d’élaborer des stratégies très complexes. Il renforce sa capacité de postposer des bénéfices immédiats pour des bénéfices à long terme, tel le musicien qui fait ses gammes. Les capacités visio manuelles sont augmentées, tout comme la mémoire. Toutes les structures corticales impliquées sont augmentées dans leur volume.
Un joueur intensif est capable de se concentrer de manière extraordinaire, comme les méditants.
Le professeur nous explique qu’il y a aussi des biais dans les usages extrêmes. Le problème est la corrélation négative entre les heures passées sur les jeux vidéo et les heures d’écoles. Il y a une diminution de la sensibilité empathique et augmentation de la difficulté. Il y a un désengagement de la relation à l’autre. Il y a un flou entre le réel et le virtuel.
Le jeu vidéo est un remède et un poison. Le poison est un des éléments du remède : le facteur d’amplification et de gains des côtés favorables est plus important pour des jeux très violents
Distraction ou dispersion ?
La distraction est le mode de fonctionnement par défaut du cerveau.
Marc Crommelinck nous explique que les pensées vagabondes mobilisent des structures corticales parmi les plus développées de l’humain. Le cerveau est toujours entre deux modes. Un mode par défaut qui dit : “que cet environnement me laisse en paix, que je puisse voguer “. C’est un moment où l’on médite sur des choses importantes. Ces bulles sont nécessaires.
L’autre mode est la sollicitation du monde. Ces 2 modes sont en compétition. Je suis pour la distraction. Ce qui est dangereux, c’est la dispersion. Quand je vois mes petits enfants avec leur smartphone à côté d’eux en faisant leurs devoirs. Ils ne se distraient pas un temps pour revenir au travail. Ils se dispersent en continu.
Le numérique ne va pas tout permettre. Le multitâche est un mythe. On peut faire une tâche automatisée + une tâche préfrontale. Mais pas deux tâches préfrontales en même temps.
L’information n’est plus rare, mais terriblement redondante. À qui faire confiance ? À Google ? On aboutit à un désordre d’information. Ce qui devient rare, c’est l’attention.
Capter l’attention des élèves, cela devient cher.