— Et quand on fait une bêtise, on dit quoi ? demandais-je à mon fils de 4 ans
— On dit « Je reconnais ce que j’ai fait »…
— Et puis ?
— Et puis, on dit que je suis désolé ?
Mon fils cadet apprend les rudiments de l’apaisement de conflit. Oui, c’est celui qui s’appelle Max dans le livre « Sauver l’école ? » et qui est l’antihéros de la vidéo « Il fait ce qu’il veut » (4M de vues). Il a déjà 13 ans.
N’avez-vous jamais eu l’impression que, pour tout enfant qui fait une bêtise, la règle n° 1 semble sinon de d’abord nier, au moins de minimiser son rôle en insistant sur les méfaits des autres ?
- Non, ce n’est pas moi.
- Oui, mais il a commencé.
- Oui, mais les autres le font aussi.
- etc.
Et pour les adultes ? Souvent, il me semble que c’est encore pire. D’où vient cette difficulté à identifier ses erreurs pour en parler librement ? Est-ce à cause des conséquences ? Sincèrement, je pense que ceux qui reconnaissent d’emblée leur part de responsabilité savent à quel point cela désamorce les tensions. On coupe l’herbe sous le pied de l’interlocuteur qui s’apprête à prouver notre faute. Nous la reconnaissons. Que d’apaisement ! Alors pourquoi la majorité des enfants et des adultes font l’inverse, vont à l’escalade à coups d’accusations : « j’ai un peu fait cela, mais c’est parce que tu as fait bien pire ! » ?
Est-ce lié à la contamination de l’erreur par la faute ? Cette faute qui empêche l’erreur d’être une source d’apprentissage bienvenue ? Cette faute qui contamine l’éducation et l’enseignement ?

Extreme Ownership
Sur ce point, le livre « Extreme Ownership » est éclairant. Des seals y racontent leurs aventures durant la guerre d’Irak. Dans l’une des histoires, un commandant dirige une action dans les rues de Ramadi. La tension est extrême car des insurgés peuvent se cacher n’importe où pour embusquer l’unité américaine. Un tireur les prend pour cible depuis une fenêtre. Les Américains ripostent. Mais le commandant fait cesser le feu. Il a un mauvais pressentiment. Je raccourcis l’histoire jusqu’au dénouement où, grâce au commandant, on se rend compte que le tireur à la fenêtre est un marine d’une autre unité américaine. C’est un « blue on blue » : un tir entre alliés qui a fait des victimes. C’est, raconte le livre, la pire chose qui puisse arriver à des soldats. Avant que les généraux accourent au débriefing pour pendre le coupable, de longues heures passent durant lesquelles le commandant se demande qui est responsable. Il sait qu’il va devoir présenter quelqu’un. Il fait le tour des 10 petites causes multifactorielles qui ont mené au drame : communications radio pas claires, mauvais repérage positionnel, etc. Finalement, il conclut à la surprise générale : « le responsable, c’est moi. S’il y a un dysfonctionnement dans cette unité, je suis responsable. Si le moindre boulon sur un char est mal vissé, c’est suite à une mauvaise affectation, ou un mauvais recrutement, ou un relâchement de la discipline et pour ces matières, je suis responsable. » N’est-ce pas un radical exemple d’extreme ownership ? Rassurez-vous, contrairement à ce qu’il anticipait, il n’a pas été viré. Il a renforcé la confiance de ses supérieurs et le respect de son unité.
Si ce commandant est responsable de cet incident dans des conditions extrêmement hostiles et aléatoires, alors je suis cent fois plus responsable que lui dans des conditions beaucoup plus favorables. Learn to Be, dont on m’a confié la direction générale, réfléchit depuis plus d’un an sur un nouveau programme stratégique qui devait permettre à l’asbl de passer au niveau supérieur en termes d’impact. On peut même dire que l’élaboration de ce programme est l’une des principales raisons de mon recrutement. Depuis mon arrivée, l’asbl a pu assainir sa situation sur bien des points. Depuis mars 2016, le nouveau programme s’est fortement précisé. Mais son ampleur et sa difficulté d’exécution sont en grande tension avec le timing doublement accéléré par des contraintes financières. Malgré la sincère bonne volonté de chaque membre de l’équipe, le stress en interne fut tel ces quatre dernières semaines que, dans un but d’apaisement, j’ai recommandé au conseil d’administration de l’asbl d’avorter ce nouveau programme que j’avais initié et que nous ne nous sentons pas capables de réaliser endéans nos contraintes temporelles et financières.
Bon, à moi de suivre l’exemple de mon fils quand il avait 4 ans.
— Je reconnais que j’ai échoué à fédérer mon équipe autour d’une nouvelle vision ambitieuse et impactante. Elle a dû se sentir nerveusement épuisée par le processus. Le Conseil d’Administration est déçu par la non perspective financière qui en découle. On dit que je suis désolé ? Ou plutôt, désolé et responsable ! Comme piste de solution pour soulager la trésorerie, je démissionne.
Partie 2 de l’article: Ce que j’ai appris chez Learn to Be