Vous êtes nombreux sur le terrain à me contac­ter. C’est ce qu’a fait Sarah, insti­tu­trice du Brabant Wallon.  Depuis septembre avec trois collègues, elle tente un tout autre ensei­gne­ment. Cela a demandé du courage, des efforts et des adap­ta­tions. Lais­sons Sarah racon­ter l’his­toire de sa classe de 3e primai­re…

Et pourquoi pas ?

La société change, les gens changent, les métiers changent, les enfants chan­gent… Et pourquoi pas au tour de l’école de chan­ger elle aussi ?

Envie et besoin de chan­ge­ments

Un constat de départ : Les enfants ont des rythmes et des besoins diffé­rents. Des enfants s’en­nuient en classe, tandis que d’autres ne suivent pas le rythme imposé, des enfants ne s’im­pliquent pas dans leurs appren­tis­sages, des ensei­gnants sont dépas­sés par les diffé­rences de rythme, de besoin, etc. Les enfants ont changé, la société a changé et nous ressen­tons le besoin à notre tour de chan­ge­ment !

Dans nos classes, nous essayons de pallier au mieux aux constats rele­vés les années précé­dentes. Les enfants sont acteurs de leurs appren­tis­sages et ils ont l’oc­ca­sion d’avan­cer tous à leur rythme sans se retrou­ver dans l’en­nui, l’inac­ti­vité ou encore dépas­sés.

Présen­ta­tion brève de notre péda­go­gie

De manière concrète, notre méthode, large­ment inspi­rée du livre « Sauver l’école ? » de John Rizzo, comporte des objec­tifs à atteindre sur plus ou moins deux semaines.

Au début d’une quin­zaine, nos élèves reçoivent « leurs défis ». C’est une feuille de route avec les compé­tences et savoir-faire à acqué­rir. Dans cette grille, les enfants sont guidés pour trou­ver les exer­cices ou les mani­pu­la­tions à réali­ser. Lorsque l’élève se sent prêt dans une compé­tence, il demande à passer un test certi­fi­ca­tif. L’en­fant doit avoir 8/10 pour réus­sir son test. Si ce dernier n’est pas acquis, nous donnons l’oc­ca­sion aux enfants de s’en­traî­ner davan­tage et de repas­ser leur test. Une fois celui-ci réussi, l’en­fant place une gommette de couleur dans le tableau des réus­sites de la classe. Ce tableau permet de voir l’évo­lu­tion de chacun et permet aux enfants de savoir qui ils peuvent aider ou qui pour­rait les aider dans tel ou tel appren­tis­sage. Pour y arri­ver, nous avons mis en place 3 temps d’ap­pren­tis­sage.

Les trois temps d’ap­pren­tis­sage

  1. Des périodes indi­vi­duelles : ce sont des moments d’ap­pren­tis­sage qui se font seul et en silence. Les enfants choi­sissent une compé­tence à travailler et avancent du mieux qu’ils peuvent. Ils ont accès à des outils, des docu­ments et des dossiers d’auto-correc­tion pour véri­fier leur travail.
  2. Des périodes de travail en groupe : ce sont des moments de partage et d’ex­pli­ca­tion entre enfants. Les élèves peuvent avan­cer dans leurs défis avec l’aide des autres afin de rece­voir des expli­ca­tions néces­saires en cas de diffi­culté.
    Nous appe­lons ceci « l’école mutuelle » : ils peuvent s’ex­pliquer les uns aux autres les notions à décou­vrir.
  3. Des périodes collec­tives : ce sont des moments d’ap­pren­tis­sage qui se font en groupe-classe et animés par l’en­sei­gnante. Lors de ces périodes, nous privi­lé­gions des moments de décou­verte de nouvelle notion ou de synthèse ou encore de partage d’ex­pé­riences vécues.

Par la mise en place de cette méthode de travail, nous pouvons déga­ger un temps précieux chez l’en­sei­gnante. Nous pouvons être dispo­nibles pour les enfants qui ont besoin d’un enca­dre­ment plus parti­cu­lier. Nous pouvons faire travailler des élèves en diffi­culté afin de pallier au mieux à leurs lacunes et ceci, sans frei­ner les autres élèves. Nous ne culpa­bi­li­sons plus de prendre plus de temps avec certains enfants !

Cette mise en place permet aussi aux enfants plus à l’aise de travailler d’autres compé­tences. D’une part, ils sont amenés à appor­ter leur aide aux autres, d’autre part, ils ont aussi une série de compé­tences complé­men­taires à travailler. Nous leur présen­tons des « dépas­se­ments » qu’ils sont invi­tés à réali­ser une fois tous leurs défis termi­nés. Pour ces enfants, c’est une réelle moti­va­tion. Ces dépas­se­ments ne sont pas des exer­cices à réali­ser en plus sur les matières vues, mais des appren­tis­sages qui mettent les élèves en valeur dans des savoir-faire plus complexes, peu travaillés habi­tuel­le­ment dans les classes et bien souvent utiles à parta­ger dans des moments collec­tifs.

Sarah Gillard, insti­tu­trice en troi­sième primaire et psycho­pé­da­gogue

 

Dans cette première partie, Sarah plante le décor. Depuis septembre je la soutiens comme je peux dans ses ques­tion­ne­ments. Les embûches qu’elle a rencon­trées méritent quelques lignes.

  • Vitesse libre, ou pas vrai­ment ?

Le premier point qui m’a sauté aux yeux après trois semaines de classe, est que Sarah avait le soucis instinc­tif de resyn­chro­ni­ser ses élèves.  Bien qu’ils n’ap­prennent pas la même chose en même temps, elle attend d’eux qu’ils soient tous arri­vés au même port après une itéra­tion de deux semaines clôtu­rée par une interro. Cela a mis trop de pres­sion sur certains élèves et sur leur ensei­gnante.

Mon conseil:  Essayer de collec­ti­ve­ment (avec les enfants) se convaincre que l’objec­tif n’est pas de tout voir, mais de travailler au maxi­mum de ses capa­ci­tés.

  • Que fait mon enfant !?

Les enfants travaillaient dur en classe et Sarah voulait éviter qu’ils ne pour­suivent à la maison, préfé­rant qu’ils se reposent et gardent leur moti­va­tion pour le lende­main. Les parents ne voyaient pas de devoirs passer. Ni de cahiers qui restaient en classe.  Certains commençaient à grogner.

Mon conseil: Avec le tableau de gommettes, l’en­fant se voit très clai­re­ment progres­ser. Dans toute inno­va­tion péda­go­gique, il me semble vital de “montrer” haut et fort l’avan­ce­ment des élèves dans le programme très scolaire, même (surtout?) si on fait de la péda­go­gie active. Plus les parents, les collègues et la direc­tion sont convain­cus que les enfants avancent dans le sacré programme, plus ils lais­se­ront de liberté sur la manière. Ici, il a fallu mieux distin­guer ce qui est essen­tiel au programme de ce qui est acces­soire. Cela a permis de se rendre compte que tous les enfants étaient en ligne pour termi­ner au moins le programme “essen­tiel” et qu’il n’y avait rien à cacher.

  • Ma manière.

Sarah s’est appro­priée certains prin­cipes de “Sauver l’école?”, mais sa classe ne ressemble pas à la mienne. Sa classe ressemble à sa manière d’être, à ses forces et faiblesses et à ses élèves. Cela l’a obli­gée à ques­tion­ner ce que je propose et à se ques­tion­ner elle-même. C’est confron­tant. C’est essen­tiel.

Dans le prochain article, Sarah nous parlera des résul­tats qu’elle a obser­vés en classe.