Que pensent ses élèves de leur nouvelle liberté? Dans cette seconde partie, Sarah poursuit son récit de la transformation de sa classe à la sauce “Sauver l’école?”.
Nos constats après plusieurs semaines.
- Du point de vue de l’enseignant
Comme toute nouvelle mise en place, ceci nous demande jusqu’à présent pas mal de travail et d’ajustements, ce qui était tout à fait prévisible. Nous parvenons petit à petit à prendre le rythme et les bons réflexes pour être plus performantes lors de nos temps de préparation.
Nous sommes agréablement surprises par l’efficacité que l’on peut avoir « ici et maintenant » avec les enfants qui ont besoin d’aide. Nous pouvons privilégier de réels moments pour construire des apprentissages avec ceux qui ont besoin de notre soutien.
En quelques semaines, nous avons appris énormément sur nos élèves et pas uniquement au niveau matière, mais bien sur leur fonctionnement, leur comportement face au travail, leur capacité d’adaptation, leur goût à l’effort, leur identité.
- Du point de vue des enfants
Nous observons une grande cohésion entre les élèves, ils coopèrent de mieux en mieux et se soutiennent les uns les autres. Un autre état d’esprit s’installe au sein du groupe-classe.
Les enfants sont motivés par leurs défis à relever. Ils savent maintenant agir seul et ne plus perdre du temps. Ils ne doivent plus s’attendre les uns les autres pour avancer dans telle ou telle matière.
Ils expriment le plaisir de pouvoir choisir l’ordre dans lequel ils réalisent les activités proposées.
Il n’y a pas de « temps mort » en classe, les élèves sont tout le temps sollicités dans leur travail et ceci les rend plus rapides, plus autonomes et plus efficaces.
Certes, certains enfants doivent encore être pris en charge face à une telle liberté. Nous devons en guider certains, leur donner une tâche plus ciblée à réaliser là, maintenant. Ils ne sont pas encore tous autonomes face à leurs défis. Mais les progrès observés en 6 semaines sont époustouflants.
Nous remarquons une évolution incroyable quant à la qualité de la lecture des élèves. Ils sont en permanence confrontés à l’utilité principale de la lecture pour pouvoir comprendre les consignes seuls et avancer. Ils lisent parce qu’ils ont besoin de lire pour poursuivre leur travail. Ils ne peuvent pas uniquement déchiffrer les lettres, ils doivent mettre du sens derrière chaque phrase.
Le mot de la fin
Nous sommes plusieurs classes dans notre école à mettre cette pédagogie en place et nous sommes plus que motivées à poursuivre cette expérience. Nous retrouvons un esprit d’équipe entre nous et entre nos élèves. Notre expérience fait doucement des petits chez nos collègues qui s’en inspirent pour travailler certaines activités de cette manière. Nous encourageons tous ceux qui le souhaitent à se lancer dans cette aventure !
Sarah Gillard, institutrice en troisième primaire et psychopédagogue
L’ayant entendu raconté de vive voix avec émotion fin septembre, je dois insister sur un point :
C’est la première fois de ma carrière que je connais aussi bien mes élèves. Avec cette pédagogie, ils me montrent leur vraie personnalité. Un lien très fort est en train de se tisser.
Sur le plan scolaire aussi, cela a changé. Sarah insiste sur la fatigue :
Les enfants travaillent intensément. À midi ils sont vraiment fatigués et je dois lever le pied l’après-midi.
« Et ho ! Ne travaillez pas tant chers élèves, levez le pied. » Quel enseignant n’a jamais rêvé de pouvoir dire cette phrase ?
Mais tout n’est pas rose. Changer sa pédagogie, c’est aussi fatigant que de conduire une voiture pour la première fois. Et puis, il y a les parents. Sarah a habilement organisé une grande réunion avec eux en novembre où elle semble avoir été chaleureusement remerciée par des papas et des mamans étonnés d’être mis à contribution sur la conduite de la classe.
Il y a aussi les collègues. Comme partout, 20 % sont avant-gardistes et expérimentent, 60 % sont mitigés et observent, tandis que 20 % sont sceptiques. Mettons-nous à la place de ces derniers. Ils maîtrisent leur métier. Ils n’ont rien demandé. Et voilà que des collègues les confrontent à une nouvelle posture qui pourrait se propager. Que vont-ils faire lorsqu’ils succéderont Sarah à la tête de cette classe l’année prochaine si parents et enfants leur disent « nous, on préférait la méthode Sarah » ?
Une tout autre classe est-elle possible dans une école traditionnelle avec des parents traditionnels ? N’est-ce qu’une bulle qui éclatera lorsque Sarah, abattue, partira vers une autre école ou comme conseillère pédagogique ? Ou bien le vent du changement est-il venu pour s’intensifier ?
À suivre…