Le rapport McKinsey « Contribuer au diagnostic du système scolaire en FWB » aborde une foule de sujets. Nous avons parlé d’argent dans un article précédent. Limitons-nous cette fois-ci aux poubelles. Aux écoles poubelles. Bien entendu ce mot n’apparaît pas tel quel dans le rapport et si Étienne Denoël me l’avait dit un jour, je ne pourrais pas l’écrire. Mais c’est le mot d’usage dans la population pour qualifier les écoles où atterrissent les élèves dont les autres écoles ne veulent plus. Des déchets. Le mot officiel est « iniquité ».
L’iniquité est présente à tous les niveaux du système (bassins de vie, réseaux, années d’études). Ainsi, certains bassins de vie sont systématiquement au-dessus de la moyenne en matière de résultats des élèves (Brabant Wallon, Huy-Waremme, Luxembourg, Wallonie Picarde et Verviers) et d’autres systématiquement en dessous (RBC, Hainaut Sud et Centre).
En clair, et pour parler de ce que j’ai vu, il ne s’agit pas que de zones. Deux écoles distantes de 100 m peuvent abriter deux populations bien différentes, l’une étant la poubelle de l’autre. Le mot officiel de ce transfert s’appelle « relégation ». L’histoire est très simple. L’inspecteur dit au prof : « ton rôle est de voir tout le programme et tous les élèves de ta classe doivent réussir le même examen en fin d’année, en même temps. » Ensuite le prof dit aux parents : « je ne suis pas là pour éduquer vos enfants, mais juste pour les instruire, j’ai mon programme. » Finalement lorsque l’élève mal éduqué ou mauvais suiveur échoue, le directeur lui dit : « soit tu dégages dans une école technique, soit tu doubles ».
Que constate McKinsey ?
La FWB est 57e sur 66 pays participant à l’enquête de l’OCDE. […] Les élèves provenant de quartiers économiquement défavorisés accumulent plus de retard, s’orientent davantage vers le qualifiant (qui s’apparente alors à un choix négatif) et ont également un taux de sortie précoce du système plus élevé.
Ça fuite vers le « qualifiant » (technique et professionnel). Ça fuite aussi vers le « spécialisé ». Les enfants sont beeeeaaauuuuucoup plus « spéciaux » qu’il y a 20 ans. C’est sûrement médical… Ces inadaptés de l’école ne rentrent d’autant moins dans le moule qu’ils sont pauvres :
Les 25 % des élèves issus des quartiers les moins favorisés d’un point de vue socio-économique (1er quartile d’ISE) sont trois fois plus représentés dans le spécialisé que les élèves issus du quartile d’ISE le plus favorisé.
Reprochons-moi que le terme « école poubelle » est une insulte à tous ceux qui s’y investissent cœur et âme. Certains enseignants, directeurs et éducateurs y font un travail difficile et salutaire. Mais tant qu’on ne m’aura pas expliqué comment certaines écoles peuvent disfonctionner depuis 40 ans sans qu’on ne le fasse exprès, j’appellerai un chat, « un chat » et une poubelle, « une poubelle », même si l’odeur incommode.
« Contribuer au diagnostic du système scolaire en FWB »
Rapport à la Vice-Présidente, Ministre de l’Education, de la Culture et de l’Enfance
Juin 2015, McKinsey&Company