L’article précédent mentionne le décalage entre la société du 21e siècle et les institutions du XXe, analysé par Bernard Delvaux, dans son livre « Une tout autre école ». Il nomme l’une des voies possibles face à ce décalage, « l’acharnement thérapeutique » :
Ceux qui portent ce scénario croient encore pour l’essentiel à la pertinence de la forme scolaire […].
Mais les tendances lourdes qui mutent notre société semblent trop puissantes.
[…] mon opinion est que le décalage entre ces tendances et la forme scolaire est trop important, et qu’une institution ne peut pas subsister en allant à ce point à l’encontre de ces tendances lourdes.
Cette fois, je suis en parfait accord avec l’auteur, au point de me demander s’il faut « Sauver l’école ? ». Ou pas. L’auteur précise :
Comment continuer à nier que les compétences transversales s’acquièrent par plusieurs chemins, que les mathématiques, par exemple, ne soient qu’une des voies d’accès à la rigueur du raisonnement ou à l’abstraction ?
Il esquisse ici une des causes qui lui feront proposer « tout autre chose » dans la partie suivante. Il est vrai que les matières ont peu changé depuis des dizaines d’années. Bien entendu, ils sont nombreux à se gratter pour savoir s’il faut changer telle ou telle virgule au programme de math. Mais pourquoi des maths ? Qui a décidé de cela ? Pas l’élève en tout cas. Pas moi non plus. Pourtant j’aime bien. Mon fils, lui, préfère « Minecraft », une sorte de monde virtuel construit comme un lego. Il y manipule des conducteurs, des interrupteurs, des mécanismes d’ouverture de porte. Avec ces briques il réalise des montages d’une logique si complexe que je me sens bête avec mes maths. Bête et inutile. Depuis quand n’ai-je plus utilisé la notion de dérivée, ou même Pythagore ? Voire une « règle de trois », comme dans « troisième primaire » ? Depuis l’école ?
Si le scientifique qui vous écrit parle ainsi des maths, imaginez ce que je pourrais dire de toutes les autres matières. Inutiles ? Non ! Mais en compétition avec tant d’autres choses dans l’horaire étriqué de l’école du XXe siècle. Biologie ou piano ? Sciences sociales ou programmation neuro linguistique ? Français ou philosophie ? Oui, notre monde véloce produit trop de connaissances intéressantes. Il faut choisir. Mais, à l’école, j’ai l’impression que tout a déjà été choisi bien avant ma naissance et que ce sera toujours pareil quand mes enfants auront des enfants…
Si les matières posent question, la méthode aussi :
Et qu’en est-il du guidage peu différencié quand on sait qu’apprendre dépend de la différence (ni trop insécurisante, ni trop insignifiante) entre la représentation personnelle de l’apprenant et celle que le maître lui propose en même temps qu’il la propose à d’autres ? Comment ignorer que seule une poignée d’entre eux sont à ce moment situés à une distance optimale pour percevoir la nouveauté à la fois suffisamment interpellante et sans risque pour la structure fondamentale de leur représentation ?
Pédagogiste, tu nous enfumes ! crieront certains. Non, attendez. Une fois traduit du pédagonais, on ne peut être que d’accord avec l’auteur :
Quand un jeu vidéo est trop difficile, que l’on perd à la fin du premier niveau, sans trop d’espoir d’y arriver après 20 essais, alors on se décourage. Quand un jeu vidéo est trop facile et qu’il ne propose aucun défi, aucun apprentissage, alors on s’en lasse et s’en détourne. Si les enfants d’une classe ont des besoins différents, est-il intéressant pour eux de tous jouer au même niveau du même jeu en même temps ?
Bref, comment motiver nos enfants dans ces vieilles écoles à l’organisation obsolète. Alors que j’écris ces lignes, je culpabilise lourdement d’y envoyer les miens, jour après jour. Je ne pourrai même pas dire « je ne savais pas »…
Que faire? Tout autre chose? Voyons ce que propose Bernard Delvaux dans la prochaine partie.